Le voyage de milliers de personnes à l’intérieur du pays risque de
propager le coronavirus sur toute l’étendue du territoire national. Et le ministre de la Santé et de l’action sociale se limite juste à demander aux gens de célébrer la fête là où ils sont. Une invite
contestée même au sein du gouvernement. Le retour de la fête risque d’être chaotique sur le plan sanitaire.
Attention au mouton ! Dans le cousinage à plaisanterie, cette
formule est souvent employée pour prévenir les éventuels gourmands le jour de la célébration de la Tabaski. Cette année, cette expression pourrait céder la place plus sérieusement à celleci : attention au Covid-19 !
Risques de contaminations intrafamiliales
Ce virus-tueur qui a déjà emporté la vie de 200 personnes
au Sénégal risque de se propager à grande échelle dans le pays
dans le cadre de la célébration de l’Aïd el Kébir. Avec des milliers
de personnes se déplaçant dans les différentes localités du pays, la pandémie va s’aggraver en termes de cas positifs, si rien n’est
fait. Il y a même lieu de ne pas exclure des risques de contaminations intrafamiliales. Déjà, des signes avant-coureurs présagent le pire.
Depuis quelques jours, Dakar, Thiès, Diourbel, épicentre de la
pandémie, n’ont plus le monopole des redoutés cas communautaires. Autrement dit, des localités qui n’avaient connu ou très peu le Covid-19 commencent à enregistrer des cas positifs. Estce lié au voyage des personnes venues célébrer la Tabaski ? En tout cas, même après la levée de l’Etat d’urgence, on n’avait jamais enregistré autant de cas communautaires dans les
régions.
Directeur du Samu national, Mamadou Diarra Bèye, avait prévenu dès les premières heures de l’apparition de la pandémie au Sénégal que la lutte serait difficile à gagner, en cas de propagation du virus sur l’étendue du territoire national. En début juillet, Dr Abdoulaye Bousso révélait que 73% des districts sanitaires du pays sont déjà touchés. D’où la nécessité de mettre en place des mesures pour couper la chaîne de transmission à la
veille de la fête.
Les gares routières, les marchés, les plages et les moyens de
transport en commun grouillent de monde en cette veille de fête.
Fallait dépister les passagers dans les gares routières ou installer dans les frontières interurbaines des dispositifs à même de contrôler l’état de santé des voyageurs ? Au contraire, les
mesures barrières recommandées sont foulées au pied par
beaucoup de Sénégalais qui doutent encore de la présence de la
maladie.
Dans une contribution intitulée : «Tabaski, banalisation et le
jour d’après», Pr Mary Teuw Niane tirait la sonnette d’alarme
sur l’urgence de mettre en place de mesures encadrant le
transport des passagers. «Les régions de Dakar, Thiès et
Diourbel risquent de voir leurs porteurs asymptomatiques et
même symptomatiques faire le déplacement et semer où ils passeront ce Covid-19», a écrit l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur. Au retour de la Tabaski, les choses risquent de s’empirer sous l’œil quasi impassible de l’Etat qui axe sa stratégie sur la prévention. Or, cette communication basée sur la sensibilisation a pris un sérieux coup la semaine dernière lorsque le ministre de la Santé et de l’action sociale demandait aux
Sénégalais de fêter la Tabaski chez eux.
Cacophonie gouvernementale Abdoulaye Diouf Sarr prenait
ainsi le contrepied du ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille
Ndiaye, qui recommandait le port du masque et le respect des
autres gestes barrières en cas de voyage. Comme si cela ne suffisait pas, la ministre de la Femme est venue en rajouter une couche pour décrédibiliser l’invite de Diouf Sarr. «Certains recommandent aux gens de passer la Tabaski là où ils sont mais c’est impossible de les retenir. On doit appliquer les mesures barrières parce que c’est notre principale arme», a répliqué Ndèye Saly Diop Dieng mardi à Mbacké. La Tabaski ne met pas uniquement sens dessus dessous les pères de famille