Emmanuel Macron et Marine Le Pen battent à nouveau le pavé depuis lundi. Il leur reste neuf jours pour convaincre les électeurs. Comme sur bon nombre de sujets, leurs propositions diffèrent nettement sur l’Afrique. Quand le président sortant entend « continuer » à faire du continent « un axe stratégique et prioritaire » de sa politique étrangère, la candidate d’extrême-droite souhaite elle s’adresser en priorité à l’Afrique francophone en mettant en avant la question migratoire.
On pourrait y voir un paradoxe. Le bilan « africain » d’Emmanuel Macron est régulièrement mis en avant par ses proches. Et pourtant, il n’y a quasiment rien sur le sujet dans son programme. Oubli ? Défaut de communication ? Rien de tout cela, se défend son entourage : s’il n’y a pas d’engagements nouveaux, c’est qu’en cas de réélection, le président poursuivra dans la voie engagée en novembre 2017 à Ouagadougou. « Changer le rapport de la France au continent africain, ce n’est pas quelque chose qui se fait en cinq ans, c’est vraiment quelque chose de plus longue durée », indique-t-on au sein de son équipe de campagne, après avoir assuré que « l’Afrique va continuer à être un axe tout à fait stratégique et prioritaire de la politique étrangère de la France ».
Travail de mémoire engagé sur la colonisation en Algérie, reconnaissance du rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, restitution d’œuvres d’art au continent, réforme du franc CFA… Emmanuel Macron – s’il est réélu – devrait s’inscrire dans la lignée de ces évolutions engagées depuis cinq ans. Pour ce faire, il devrait notamment mettre en œuvre certaines des propositions formulées en octobre dernier à Montpellier par l’intellectuel camerounais Achille Mbembé. Comme la mise sur pied d’un fonds d’innovation pour la démocratie, la création en France d’une « maison des mondes africains » et le déploiement d’un « campus espace nomade » destiné à favoriser la mobilité des étudiants et des chercheurs.
Opposés sur l’immigration et la politique mémorielle
Un programme à mille lieux de celui de Marine Le Pen. Et pour cause : la cheffe de file du Rassemblement national aborde surtout l’Afrique sous le prisme migratoire. Sur ce sujet, son programme se veut très ferme : fin du droit du sol, suppression du regroupement familial, limitation du droit d’asile, durcissement de l’accès à la nationalité française. Et, au-delà, préférence nationale qui donnerait priorité aux Français en matière de logement, d’emploi et de prestations sociales.
Mercredi, lors d’une conférence de presse consacrée aux questions de politique étrangère, la candidate d’extrême droite a ainsi annoncé son intention de « conditionner tout nouvel octroi de visa au profit de ressortissants algériens, toute autorisation de transferts de fonds, toute acquisition de propriété en France par un dignitaire algérien, par la réadmission par les autorités consulaires algériennes en France ». Avant de préciser le fonds de sa pensée : « les Algériens qui vivent déjà en France et se comportent conformément au droit français, respectent nos us et coutumes et aiment la France, n’ont pas de raison de ne pas rester. Les autres, certes minoritaires, devront partir ».
Plus radicale sur l’immigration, la candidate d’extrême-droite se veut aussi en opposition frontale avec la politique mémorielle engagée par Emmanuel Macron sur le Rwanda et la colonisation algérienne. « S’il s’agit de réconcilier les mémoires en se flagellant devant l’Algérie qui ne cesse de réclamer des actes de repentance, moi en ce qui me concerne, ce sera non », expliquait-elle le 18 mars dernier, « sauf si l’Algérie demande elle-même pardon aux harkis sur la manière dont ils se sont comportés à leur égard ». Son projet pour défendre la place de la France sur continent ? La mise sur pied d’une union francophone et d’une politique de co-développement avec l’Afrique de l’Ouest.
Le Pen favorable à un départ des troupes françaises du Sahel central
Sur le Sahel, Marine Le Pen porte un regard très critique vis-à-vis de Barkhane. Elle qui qualifie cette opération et le retrait des forces françaises du Mali, d’ « échec ». La candidate du Rassemblement national envisage un départ des forces françaises du Sahel central, mais pas du reste de la région. « Il faudra maintenir une force en fonction aussi de ce que veulent les États, estime Louis Aliot, le maire RN de Perpignan. Le Tchad, c’est un bon partenaire entre guillemets pour lutter contre un certain nombre de débordements et d’actions terroristes sur le terrain. On a une histoire commune, beaucoup d’Africains vivent en France. Donc, avance ce porte-parole de Marine Le Pen, la France, nécessairement, elle doit être là pour maintenir quand même une présence ».
Un sujet sur lequel la différence avec Emmanuel Macron paraît moins marquée. Si ce dernier est réélu, la transformation du dispositif militaire français devrait se poursuivre. Transformation qui se caractérisera par moins de soldats français sur le terrain et en première ligne, mais des militaires plus en soutien des armées locales. Avec le Niger, comme nouvel allié numéro un de la France dans la région.
RFI.FR