Pourquoi maintenant ? Et pourquoi Elinkine ? (Par Jean Marie François Biagui)


C’est avec consternation que nous avons appris le triple assassinat perpétré le 27 octobre 2019 contre Abdou Elinkine Diatta et deux de ses proches ; ces derniers étant manifestement des victimes collatérales de cet attentat qui visait, manifestement donc, le secrétaire général autoproclamé du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC). Nous le regrettons et le condamnons avec la plus grande fermeté.

 

Paix à leur âme et que la Terre de Casamance qu’ils chérissaient tant leur soit éternellement légère.

 

Mais alors pourquoi maintenant ? Et pourquoi Elinkine ? Toutes choses en tout cas, ou plutôt toutes interrogations, qui suggèrent tout à propos, en substance, pourquoi la piste « Salif Sadio », pas plus qu’aucune autre piste « formellement MFDC »,ne saurait être crédible.

 

 Nous retenons de Elinkine, de manière froide, et en toute responsabilité, malgré donc les circonstances : l’ex-maquisard qu’il était, revenu à la vie civile depuis plus de deux décennies ;

 

Et de ses faits d’armes (politiques), précisément les faits suivants :

 

Avec son ex-beau-père Bertrand Diamacoune, et par contrainte, Elinkine faisait faire la pluie et le beau tempsà l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, alors secrétaire général puis président du MFDC ;ce qui était très préjudiciable et à l’image du MFDC et à son fonctionnement ; l’un à la gauche de l’abbé Diamacoune et l’autre à sa droite étaient alors aussi tout-puissants que vulnérables ; oui ! tout-puissants qu’ils étaient, ils étaient aussi, paradoxalement, très vulnérables ; mais ils l’étaient à ce moment-là, et seulement à ce moment-là ; c’est en effet à ce moment précis,moment extrêmementpropice aux règlements de comptes intra-MFDC ou réputés tels, qu’on pouvaitde manière rationnelle craindre pour leur vie ;

 

Mais comme Bertrand Diamacoune, Elinkine était un vrai-faux téméraire, qui semait tout alentour : peur, terreur, intimidation, menace ; l’artiste qui s’activait ou s’agitait en lui, faisait de Elinkineun bon « acteur », un bon « comédien », musicien à ses heures et au commerce aisé ; par son accoutrement, il adorait mimer,jusqu’à la caricature, tantôt le « roi » Diamacoune mais guère le prêtre, tantôt le « chef coutumier » qu’il croyait déceler chez son mentor ; Littéralement fractionniste, Elinkine créera, à la faveur justement de ses actions fractionnistes, et suite à sa disgrâce d’avec le président du MFDC, sa propre fraction politique ; il en deviendra le chef, avant de s’autoproclamer secrétaire général du MFDC, sans toutefois obtenir pour la besogne la bénédiction d’aucune faction armée du MFDC ;depuis, « Mangokouro », le siège de sa fraction, passe pour un formidable exutoire pour ses fans : tout drapés de leur « indépendantisme » en tant qu’une fin en soi,ilsvont à « Mangokouro » pour s’y défouler, au sens propre comme au figuré;

 

En fait, le supposé potentiel politique de Elinkine n’était pour ainsi dire que supposé, virtuel même, mais gonflé à souhait et à dessein par toutes les adversités, y compris par l’Etat(c’était de bonne guerre !),auxquelles le MFDC était et continue aujourd’hui encore d’être confronté ; Or, au sein du MFDC, politiquement, Elinkine était objectivement une quantité négligeable, appréciée comme tellepar toutes les factions armées et autres fractions politiques du MFDC, excepté naturellement la sienne ; Sous ce rapport, donc, Elinkine n’était aucunement un problème pour le MFDC ; mais alors aucun problème pour le MFDC ; et, n’en déplaise à ceux qui jouent à se faire peur depuis l’annonce du décès de Elinkine, celui-ci n’incarnait, ni la moindre plus-value, ni la moindre moins-value, dans le processus de paix en cours en Casamance ; tandis que sa mort, hélas si tragique, ne saurait, précisément pour cette seule raison, constituer un problème, pas même un début d’entrave pour le MFDC dans sa quête effrénée de l’unité, structurelle et fonctionnelle, d’une part, et, d’autre part, d’une dynamique unifiée et cohérente, tout ordonnée au retour de la paix durable en Casamance; n’est-ce donc pas une vérité cruelle que cette vérité de fait ? Tout au plus, la disparition tragique de Elinkine, de par justement son caractère tragique, fatalement, va-t-elle plomber durablement, sinon définitivement, « Mangokouro », dont il était du reste, à la fois, le seul chef et le seul vrai-faux téméraire. 

Quant à Salif Sadio, que d’aucuns désignent d’ores-et-déjà, sans même se voiler la face, si imprudemment, et avec légèreté, comme le probable commanditaire du triple meurtre, il est arrivé à un moment de sa vie où, d’introspection en introspection, fût-ce par la force des choses, il a fini par se résoudre à l’idée de mener dorénavant le seul combat qui vaille pour lui, tout au moins après la « lutte de libération de la Casamance », soit le combat contre soi-même. En l’espèce, le combat de Salif Sadio contre Salif Sadio, en vue ultimement de quelque salut, d’abord sur Terre, puis dans l’Au-delà, voire au-delà de l’Au-delà.

Les chefs des autres factions armées du MFDC, pour leur part, et comme nous autres, parce que nous le savions « sérieusement » malade, n’en croyaient pas leurs oreilles à l’annonce de l’assassinat de Elinkine et, ainsi, ils avaient plutôt pensé à une méprise dans la diffusion du message y relatif, avant de se raviser et se rendre à l’évidence.

C’est que nous ignorions, eux et nous autres, que Elinkines’était rétabli de sa maladie, et bien rétabli, et qu’il avait dû se rendre ce jour-là même dans son propre village, au guidon de sa propre moto.

 

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

Ancien Secrétaire Général du MFDC

Mercredi 30 Octobre 2019
La Rédaction / Samboudiang Sakho

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