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Première sortie : Ce qu’a dit Khalifa Sall


Première sortie : Ce qu’a dit Khalifa Sall

Le 29 septembre dernier, j’ai quitté la maison d’arrêt de Rebeuss après deux ans et demi de détention. Durant tout ce temps, vous avez partagé avec moi cette épreuve faite de privations et de sacrifices. Croyez-moi, je n’ignore rien des pressions, des intimidations et des émotions que vous avez vécues et surmontées avec dignité et responsabilité.

J’ai pour chacune et pour chacun d’entre vous une pensée particulière pleine d’admiration, de considération et d’affection. Voilà pourquoi, je vous retrouve avec un grand plaisir pour vous exprimer de vive voix mes sincères remerciements. Cette rencontre me permet également de retrouver des visages, de revoir vos sourires, de serrer vos mains, d’échanger quelques mots. Je veux également exprimer ma reconnaissance aux Sénégalaises et aux Sénégalais, de tous âges, connus ou anonymes, au Sénégal et dans la Diaspora, qui m’ont manifesté leur affection et leur soutien par leurs prières, par leur mobilisation et leurs visites. Je veux renouveler ma gratitude à mes avocats qui se sont illustrés par leur loyauté, par leur sens professionnel élevé et par de brillantes plaidoiries dans un combat politique habillé sous les oripeaux d’une affaire judiciaire. Je veux également remercier les autorités religieuses et coutumières, les organisations et personnalités politiques, les organisations de la société civile et les personnalités indépendantes qui m’ont témoigné leur solidarité.

J’ai une pensée émue pour toutes les personnes privées de liberté. Mes pensées et ma gratitude s’adressent en particulier aux détenus de la maison d’arrêt de Rebeuss avec qui j’ai partagé cette partie de ma vie. Cette détention a renforcé mes convictions sur la nécessité d’améliorer les conditions de détention et le traitement des détenus. Elle m’a permis de voir les drames humains provoqués par les longues détentions préventives qui transforment des présumés innocents en présumés coupables avant même d’être jugés.

Elle m’a fait constater les effets désocialisants de la prison contre lesquels il faut rapidement apporter des solutions tels le maintien des liens familiaux, la transformation des lieux de privation de liberté en espaces d’acquisition de savoir faire pour favoriser la réinsertion des détenus et l’élargissement de la gamme des sanctions pénales alternatives à l’emprisonnement. Mes pensées et ma gratitude vont également aux autorités pénitentiaires et aux agents de la maison d’arrêt de Rebeuss soumis à une pression insoutenable et à des rythmes astreignants. Cette situation doit obliger l’Etat à adopter un statut pour les agents de l’administration pénitentiaire avec l’objectif d’améliorer leurs conditions de travail et de permettre à ces serviteurs de l’Etat d’exercer leurs missions dans la dignité.

Mes chers camarades,

Cette épreuve ne doit pas nous faire perdre notre humanité. Nous en sommes sortis le cœur ouvert. Cela est parfois mal compris mais nous ne devons avoir ni haine ni rancœur même dans l’adversité. Nous ne devons pas céder aux excès de la politique, ni perdre notre temps à ressasser le passé. Mes chers camarades ! Nous avons encore tant à faire ensemble pour notre pays. Mais avant de tracer la voie vers cet avenir commun, je veux évoquer, à grands traits, trois viatiques pour nous éclairer dans notre cheminement collectif au service du Sénégal. Cette épreuve n’a pas entamé nos convictions. La fidélité à nos valeurs nous a permis de résister à l’acharnement du pouvoir. Nous sommes les héritiers d’une histoire vivante forgée dans l’alliance entre la démocratie et le progrès. Nous devons en être fiers et porter son message fondé sur les valeurs de liberté, d’égalité, de justice et de solidarité. Si nous sommes plus résilients, et c’est le premier viatique, c’est donc grâce à notre identité que nous devons garder intacte.

En évoquant la force de nos convictions et la fidélité à nos valeurs, je veux saluer le mérite de chacune et de chacun d’entre vous d’avoir cru à notre combat et de continuer à faire front. Il s’en trouve encore en nous des femmes et des hommes qui ont tout sacrifié pour un Sénégal plus libre, plus prospère, plus juste et plus solidaire à l’opposé du pays dans lequel nous vivons. C’est le deuxième viatique qui nous différencie du pouvoir et nous engage à nous opposer à ses politiques néfastes pour le peuple sénégalais. Nous restons sur cette ligne d’ancrage dans l’opposition avec responsabilité mais sans compromission, avec fermeté mais sans excès. De cette position, on ne peut dissocier, et c’est le troisième viatique qui nous différencie également de ceux qui gouvernent, notre attachement aux conclusions des Assises nationales. Parce qu’elles reflètent la richesse des expériences et les attentes du peuple, les conclusions des Assises nationales constituent le document de référence de notre projet. Bien entendu, il faudra les adapter au contexte et aux évolutions de notre pays, de l’Afrique et du monde mais nous nous engageons à les mettre en œuvre sans rien omettre et sans les remettre en cause.

Mes chers compatriotes,

Mes chers camarades,

Une grande Nation comme la notre ne peut se construire qu’à travers de grandes dynamiques autour des femmes, des hommes et des valeurs. Nous devons être ces femmes et ces hommes et incarner ces valeurs pour tracer un chemin d’espoir pour les millions de Sénégalais qui s’impatientent et s’angoissent. Je vous parle de l’avenir, d’un avenir qui puise ses balises dans les valeurs de notre Nation et qui poursuit la finalité d’un Etat qui tient sa promesse pour tous ses citoyens. Je vous parle de l’avenir qui se construit dans la paix, avec notre volonté commune et avec des énergies plurielles et positives.  Cet avenir ne serait pas partagé sans des réponses pertinentes à notre questionnement collectif sur notre vivre ensemble mis à mal depuis quelques années. Vivre ensemble, ce n’est pas seulement la coexistence des communautés, c’est la communion entre des femmes et des hommes ayant le même sentiment d’appartenance à une Nation ouverte à toutes les fraternités, partageant les mêmes valeurs et unis par un destin commun.

L’école pourrait contribuer à renforcer notre vivre ensemble si nous en faisons le lieu de construction de la citoyenneté et le cadre d’acquisition de connaissances conformes à nos valeurs et adaptées aux besoins de développement de notre pays. Mais nous ne saurions appréhender le vivre ensemble dans toute sa mesure si nous ne l’associons pas à un modèle de gouvernance qui en garantit la cohésion et la permanence. En effet, notre commun vouloir de vie commune doit s’appuyer sur l’édifice d’une République garante de l’Etat de droit et des droits humains. Cela nous engage à renforcer notre pacte républicain avec des garanties partagées et acceptées d’effectivité de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice, de la démocratie, de la décentralisation, des libertés publiques, des droits humains et de la transparence dans la gestion des ressources publiques.

Mes chers compatriotes,

Mes chers camarades,

Dans la mesure où tout se tient, il est évident que la refondation de la gouvernance doit avoir pour finalité de recentrer l’Etat dans ses missions afin que le Sénégal soit un pays pour tous les âges, pour toutes les énergies et pour toutes les ambitions. A cette fin, il est impératif de placer l’homme au cœur des politiques publiques et de le considérer comme la première ressource sur laquelle l’Etat doit investir. C’est dans cette mesure que chaque Sénégalaise et chaque Sénégalais, en zone urbaine comme dans le monde rural,  pourra accéder à des soins de santé de qualité, à l’éducation, à la formation, à un emploi décent, à la protection sociale, à la sécurité et aux autres services publics en nombre et en qualité. C’est également dans cette mesure que l’Etat va garantir la solidarité avec les couches vulnérables et la solidarité entre les générations. Cette responsabilité nous oblige à penser aux jeunes, aux femmes, aux personnes âgées et aux générations futures dans l’exploitation et dans la gestion des ressources naturelles.

Cette responsabilité nous engage également à inverser les tendances actuelles de notre économie pour construire de nouvelles efficacités capables de produire des richesses durables, de créer des emplois pérennes et de lutter contre la pauvreté. Cette nouvelle orientation permettra à notre pays de développer une économie dynamique, diversifiée, inclusive et portée par le secteur productif national et par le secteur privé sénégalais.

Sur toutes ces questions, et sur d’autres aussi importantes comme l’intégration africaine, le changement climatique, le défi sécuritaire et la question migratoire, nous avons à engager les ruptures radicales et les transformations fondamentales que notre pays ne peut plus ignorer sans risquer de se perdre.

 

Mes chers compatriotes,

Mes chers camarades,

Porté par cette double exigence d’une Nation refondée autour de ses valeurs et d’un Etat au service de ses citoyens, je vous retrouve encore plus déterminé. Après avoir capitalisé les expériences vécues, j’y ai puisé une énergie nouvelle que je continuerai à mettre au service du Sénégal. Et résolument tourné vers l’avenir de notre pays, seule perspective digne d’intérêt, je poursuis mon engagement politique avec vous mes chers camarades, avec toutes celles et tous ceux qui partagent les valeurs de liberté, de progrès, de justice et de solidarité et en étant ouvert aux apports fécondants de toutes les forces vives de notre pays.

Et tous ensemble, un pas après l’autre, dans la confiance retrouvée et dans une espérance partagée, nous marcherons vers un avenir prospère et solidaire./-

Lundi 21 Octobre 2019
La Rédaction / Samboudiang Sakho