Menu

ÉCOLE – Absence de consensus, respect du protocole sanitaire et hivernage : LES RISQUES D’UNE REPRISE – Cheikh Mbow, Cosydep : «Le ministère s’activait pour juin»

ÉCOLE LES RISQUES D’UNE REPRISE – Cheikh Mbow, Cosydep : «Le ministère s’activait pour juin»


ÉCOLE – Absence de consensus, respect du protocole sanitaire et hivernage : LES RISQUES D’UNE REPRISE – Cheikh Mbow, Cosydep : «Le ministère s’activait pour juin»

La décision de l’Etat de programmer la reprise des cours pour les classes d’examen pour le 25 Juin ne va pas dans le sens souhaité par le Directeur exécutif de la Cosydep. Cheikh Mbow est d’avis qu’«aucun scénario ne devrait ignorer que la situation était devenue plus compliquée avec la nouvelle donne liée à l’installation de l’hivernage».

Quelle appréciation faites-vous de la nouvelle date retenue pour la reprise des enseignements ?
Nous avons appris la nouvelle projection de reprise pour le 25 juin, donc dans une semaine, pour les classes d’examen sans d’autres précisions sur la totalité du scénario. Nous sentions venir, le ministère s’activait ces derniers jours pour une date en juin. Après la reprise avortée du 2 juin, nous avions été consultés par le ministère et avions insisté sur des aspects à prendre en compte avant tout nouveau scénario.
D’abord, il fallait établir un bilan exhaustif de tout le processus antérieur en vue d’apprécier la portée des offres d’accompagnement et de cerner les causes profondes de l’échec de la reprise du 2 juin.
Ensuite, il fallait faire preuve, à la fois de détermination et de réalisme. Détermination à poursuivre sans arrêt la mise en œuvre du protocole sanitaire. Réalisme pour considérer que l’état du réseau scolaire constitue une difficulté objective de par la vétusté des infrastructures, le nombre important d’abris provisoires, l’inaccessibilité de plusieurs localités en période d’hivernage. Nous avions relevé que la situation était devenue plus compliquée avec la nouvelle donne liée à l’installation de l’hivernage ; aucun scénario ne devrait ignorer cette contrainte.
Enfin, nous avions invité à accorder une grande attention à l’inclusion en répondant aux questions légitimes liées à l’équité de tout scénario face aux spécificités des zones et aux classes intermédiaires. En outre, tenant compte de l’état d’esprit des acteurs, nous avions proposé une rencontre entre le président de la République et la communauté éducative comme ce fut le cas au début de la pandémie, lorsque le Président rencontrait les leaders politiques.
Par ailleurs, nous reconnaissons que les décisions relatives au calendrier scolaire reviennent au gouvernement mais la mise en œuvre concerne l’ensemble des acteurs. C’est pourquoi, en tant que Société civile, nous allons continuer à alerter, à proposer et à accompagner. Cette posture demeurera constante pour tout nouveau scénario, car déterminés à soutenir notre pays et le secteur autant que faire se peut.

Il paraît que vous avez rencontré le ministre de l’Education nationale. Quelles sont vos propositions de sortie de crise ?
Effectivement, nous avons rencontré le ministre. Lors de cette rencontre, nous avons suggéré l’option pour une grande attention sur le processus et non pas seulement sur le résultat. Ainsi, avons-nous insisté sur l’importance d’animer des espaces d’expression plurielle, qui travailleraient concomitamment, afin de recueillir les contributions des acteurs de l’éducation en activité et à la retraite, des jeunes et autres leaders communautaires, des spécialistes tels que les psychologues-conseillers, les assistants sociaux, les chercheurs.
Sur la base du nouveau contexte, nous avions proposé d’investir nos écoles en vue de veiller au respect des normes. En mi-septembre, préparer la rentrée des enseignants avec un dispositif de formation continue intégrant des modules sur l’éducation en situation de crise et en début octobre, redémarrer les enseignements en vue de combler le gap pédagogique. Organiser les évaluations au courant de décembre et démarrer l’année 2021 en janvier avec la révision systématique du calendrier des fêtes combinée à une trêve dans les grèves des syndicats. A présent, nous prenons acte de la décision du gouvernement.

Quelle est votre lecture de la reprise avortée des enseignements du 2 juin ?
Nous doutons jusque-là de la raison officielle justifiant le report. Dans tous les cas, les dispositions logistiques étaient en deçà du protocole sanitaire. Les résultats obtenus à travers notre checklist administrée à plusieurs écoles en sont une illustration de par de sévères insuffisances en matériel de protection (masques, gels, thermo-flashes), un environnement insuffisamment assaini (blocs sanitaires, points d’eau non fonctionnels), des conditions désastreuses de convoyage des enseignants, des élèves à la fois non impliqués et oubliés, une communication pas du tout rassurante, une mobilisation tardive sur le terrain malgré l’engagement personnel du ministre pour un partenariat ouvert. Or un millième du Fonds Covid soit 1 milliard aurait suffi à régler la logistique.
La question qui se pose est de savoir si nous avons tiré les leçons de cette situation avant de nous engager sur une nouvelle date. En tout état de cause, nous saluons le patriotisme des enseignants, invitons les populations à les célébrer en évitant de les stigmatiser et rappelons que les fonctionnaires (enseignants, agents de santé, des forces de sécurité) devraient être davantage valorisés.

Quel est votre avis sur le débat sur l’enseignement privé face à la gestion du Covid ?
Nous croyons que tous les enfants du pays méritent une attention soutenue, quelle que soit l’offre d’éducation choisie. Ces enfants sont dans des écoles formelles et non formelles, dans des écoles privées et publiques, dans les ateliers et daaras.
Cependant, il reste clair que l’accompagnement de la crise doit privilégier l’entrée par la vulnérabilité et non celle par le statut (Privé/Public) ; à l’instar de l’appui alimentaire qui a ciblé les familles les plus démunies. Les ressources qui accompagnent la reprise doivent être orientées vers les écoles les plus démunies, notamment les écoles publiques.
La deuxième considération est d’éviter des amalgames dans cet espace de discussions sur le Covid-19. De la même façon que les enseignants n’évoquent pas dans ces réunions les revendications financières, la question des subventions au privé doit être discutée dans les instances dédiées. Néanmoins, nous soutenons que la question des salaires du privé mérite un accompagnement de l’Etat. Nous rappelons parmi les conditions d’ouverture d’une école privée, la disponibilité d’un fonds permettant d’assurer au moins trois mois de salaires.

Quelle est votre appréciation par rapport à tous ces enfants qui sont dans la rue depuis la fermeture des écoles ?
Nous réitérons que la place de l’enfant n’est pas dans la rue. Elle est entre la famille et l’école. Il est donc inacceptable de valider les occupations de la majorité des enfants depuis la fermeture des écoles ; ils sont au foot, à la plage, sans aucune mesure barrière. Mieux, le Covid est une opportunité pour régler définitivement la problématique des enfants de la rue au nom du droit à l’éducation, à la sécurité, à la santé.

Selon-vous quelles sont les perspectives qui pourraient s’offrir au secteur de l’éducation, après la pandémie du Covid ?
Le Covid-19 nous aura rappelé la nécessité d’avoir un environnement propice en termes d’écoles clôturées, de résorption des abris provisoires, de blocs sanitaires et de points d’eau fonctionnels, d’effectifs non pléthoriques. Si notre réseau scolaire répondait aux normes, les alternatives d’apprentissage en présentiel seraient moins problématiques.
Nous devons tirer les leçons et nous orienter résolument vers un système moderne dans ses possibilités d’apprentissage, solide de ses infrastructures, souple dans son déploiement, résilient dans ses réponses face aux imprévus, suffisamment ancré dans les réalités nationales et effectivement décentralisé.

Quelle a été la part de contribution de la Cosydep dans la lutte, depuis l’avènement du Covid-19 ?
A la suite de l’apparition de la pandémie, la Cosydep a pris la décision de suspendre ses programmes pour préserver la santé de ses agents. Nous avons ensuite pris l’initiative de remettre au ministère de l’Education une enveloppe symbolique de cinq cent mille francs, en solidarité au Fonds Covid-19 et avons ouvert un dossier «Education face au Covid».
Ce dossier a permis de documenter notre lecture de la situation, d’analyser les conséquences et autres effets. La Cosydep a ainsi réalisé une vidéo de sensibilisation des leaders du secteur, des vidéos pédagogiques, une vidéo pour visualiser le protocole sanitaire et plusieurs autres supports de communication. Nous avons enrichi notre dossier d’un benchmarking en relation avec nos partenaires du réseau africain Ancefa avec 39 pays et des réseaux internationaux Campagne et Partenariat mondial pour l’éducation faisant plus de 180 membres à travers le monde. Le Dossier, remis officiellement au Men, a formulé des hypothèses et proposé cinq scénarii.
Après la décision du gouvernement pour une reprise le 2 juin, sachant que nous pensons pouvoir mieux réguler en étant à l’intérieur du processus, nous avons des instructions à nos instances de participer pleinement à l’opérationnalisation des orientations autour des comités locaux dirigés par les gouverneurs. Nous les avons engagées à garder leur posture critique d’alerte, de propositions et à veiller sur les préalables indiqués. Ce credo continuera à nous animer pour tout nouveau scénario.

Vendredi 19 Juin 2020
La Rédaction / Samboudiang Sakho