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Wade est le dernier géant panafricain

Wade est le dernier géant panafricain


Wade est le dernier géant panafricain
Les études récentes de Robert Heilbroner ont démontré que les plus grands penseurs de notre temps, ceux qui ont prédit et pensé le monde, étalent une incapacité à prévoir la survenance et les conséquences des fléaux.
C’est ainsi que la vision de Adam Smith qui, était spatiale, n’allait pas au-delà de son siècle dans la mesure où la richesse des Nations ne faisait pas allusion au capitalisme industriel qui devait substituer l’usine sidérurgique à la fabrique d’aiguilles. Il n’avait pas prévu l’émergence du capitalisme industriel parce que 50 ans devaient s’écouler entre le moment où il écrivait et l’apparition des techniques de production de masse.
Le remarquable modèle de Ricardo d’écrivant une économie se heurtant aux barrières de la fertilité des sols agricoles n’envisageait pas l’Angleterre de l’époque de Alfred Marshal, dans laquelle cinquante ans plus tard les rentes foncières n’étaient déjà plus qu’un élément mineur de l’économie. Il ne s’était pas rendu compte que le secteur stratégique de l’économie ne servait plus l’agriculture, mais l’industrie, parce qu’il n’a pas vu la généralisation imminente des machines utilisant la vapeur et le fer.
Au moment de la mort en 1873 de John Stuart Mill, il était déjà clair que l’Etat stationnaire qu’il avait imaginé n’était qu’une fiction.
Le pronostic de Karl Marx a davantage résisté à l’épreuve des faits, mais cinquante ans après sa mort, l’on pouvait voir dans la grande dépression, à la fois la confirmation et l’infirmation de son scénario avec les premières expériences d’une économie d’Etat. Son rêve de voir le communisme devenir un horizon indépassable n’est qu’une vue de l’esprit.
Keynes a suffisamment vécu pour découvrir que le capitalisme soutenu engendrait ses propres dysfonctionnements, parmi lesquels l’inflation serait prééminente.
Les prédictions générales de Schumpeter bien encore d’actualité montrent déjà des signes d’obsolescence.
La phalange de Fourier n’était qu’une fiction.
En démolissant toutes les panoplies importées, Professeur Wade, vous réfutez la thèse, selon laquelle le développement n’est pas une évidence mathématique transférable d’un continent à un autre. Votre déduction débouche sur la maxime qui dit que chaque pas génère les mécanismes de son propre développement. Les lignes de force de votre pensée, contrairement à vos prédécesseurs, épousent à chaque étape les contours de l’évolution technologique et scientifique. Cette prouesse apprivoise la quasi-totalité des secrets de la science et de ses répercussions mathématiques appliquées à l’économie.
En démontant les thèses farfelues et racistes défendues par Bernard Lugan, vous rééditez la puissante réplique de Antênor Firmin, démolissant l’inégalité des races de Arthur de Gobineau. Ce théoricien raciste avait fourni l’explication idéologique du partage de l’Afrique à Berlin en 1884. Ainsi, vous sapez les fondations de la perpétuation de doctrines obscures professées pour la justification de la condition peu enviable du nègre. Ce qui fait de vous l’héritier légitime des pères fondateurs du Panafricanisme.
En torpillant les projets les plus élaborés pour l’asservissement de la culture nègre, vous êtes vu comme l’ennemi numéro un qu’il faut obligatoirement écarter des rouages de la gouvernance africaine.
Vous avez posé le tryptique temporel qui campe définitivement le décor et sert de balise à toutes vos actions politiques.
Vous vous referez au passé pour bannir de manière systématique l’assimilation d’une culture universelle qui refuserait de donner sa part de vérité à l’héritage négro-africaine.
Pour le présent, nous devons refuser l’esclavage et la colonisation mentale et tracer les lignes d’un libéralisme panafricaniste qui détruirait les monopoles industriels occidentaux. C’est ce qui nous permet de bâtir une économie viable, une société prospère, libre et souveraine.
C’est ainsi que nous envisageons un futur où l’Afrique pourra sortir des méandres du sous-développement et assurer son autosuffisance alimentaire et financière.
En détruisant les effets pervers et les pièges de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nourriture (Nasan), parrainée par la Banque mondiale et le Fmi, vous démontrez qu’à partir d’une vision agricole locale, il est possible de bâtir une puissante révolution agricole. Ce que la Goana a largement démontré.
En pacifiant le continent depuis votre intervention du 31 mars au 2 avril 1980 à Oslo, sur la demande de l’Unesco, sur les aspects politiques du consensus dans un pays en développement, vous avez jeté les bases d’une nouvelle doctrine de conquête pacifique du pouvoir.
En mettant en difficulté les idéologues et théoriciens du club Nation et développement, le 24 mai 1969, sur les options structurelles pour un développement optimal, vous aviez diagnostiqué trois failles : la centralisation et ses effets pervers, la quantité importante de cadres et de jeunes marginalisés, les masses privées de structures d’accueil et d’institutions. Vous avez réfuté avec élégance les options de mimétisme des cadres tout en proposant sa double planification de 1958 comme approche idéale du développement.
En secouant vos confrères africains sur l’urgence d’unifier, de pacifier et de développer le continent, les nombreuses médiations africaines vous ont conduit à éteindre les foyers de tension les plus complexes : Vous avez été acteur principal de la rencontre capitale du 24 au 28 mai 1992, réunissant à Dakar la presque totalité des acteurs politiques du continent sous le thème de la transition démocratique en Afrique.
Vous procédez d’une approche qui distingue le champ de la compétition politique des enjeux trans-politiques comme le redressement de l’économie nationale, de la défense, de la paix sociale qui n’ont pas de coloration politique. Pour vous, la démocratie qui met en péril la relance économique, compromet la création d’emplois, en créant un climat de sur-politisé fait de conflits inexpiables, n’est en définitive que la dictature d’une classe politique coupée des dures réalités de nos populations et se délectant de rhétorique.
En donnant espoir aux jeunes et aux femmes, vous avez reformulé avec élégance l’humanisme qui vous est si chère. Votre vision a transformé la jeunesse et la femme africaine longtemps marginalisées, comme la solution du développement du continent.
En érigeant la muraille verte longue de 8 000 kilomètres, allant du Sénégal à Djibouti, comme le plus grand poumon vert de la planète jamais imaginé par l’homme, vous vous positionnez en sauveur de l’humanité. Une telle prouesse fait de vous le père incontesté de l’écologie moderne.
En nous libérant du joug français, vous aviez permis à notre économie d’échapper aux serres des eternels prédateurs. Votre option radicale et patriotique de stopper la pompe aspirante des ressources du pays par les vampires occidentaux vous a coûté votre pouvoir.
En bannissant l’intermédiation au profit de la diversification des partenaires économiques et financiers, vous avez inauguré l’ère des Brics.
En étant le concepteur des sept merveilles, de la case des tout-petits, de savoir plus, du plan sésame, de la solidarité numérique, de la Wade formula, des cyber-cases, de sénéclic, des global villages, de la cité universelle, de l’Université du futur africain, de Yakalma, de la Mandori, de lacs artificiels, des bassins de rétention, des maisons communautaires, du plan Omega l’âme du Nepad, du plan Bawnane, du Plan Reva, du plan Jaxaay, la parité, des Bajènu gokh, des infrastructures de dernière génération (aéroports, autoroutes, tunnels des ponts, des hôpitaux, des universités, les instituts, des usines…), vous avez ouvert la voie de l’espérance à toute l’Afrique.
Sur le plan scientifique, vous avez non seulement dégagé les postulats de base du rattrapage de l’Afrique, mais vous avez provoqué une révolution technologique indispensable à notre décollage économique. Vous n’avez rien à envier à Aristote (384-322 AJC) ni à Socrate encore moins à Averroès (1126-1198).
Vous avez résisté à trois coups d’Etat qui font de vous l’opposant le plus coriace. En 1976, quand vous arrachez les communes de Taïba Ndiaye, de Gade, de Karantaba, de Taïf, de Ndolu-Dol, Diembéring, de Médina Gounass, lors des élections locales, Senghor brandit la loi des quatre courants pour freiner votre ardeur.
En 1978 quand, pour la première fois, vous mettez terme à une Assemblée nationale monocolore, en y introduisant 18 députés, déclenchant ainsi la plus grosse opération de débauchage et d’achat de conscience jamais imaginée, le régime de Senghor fit recours à l’article L144 du Code électoral pour briser les élans, pour que de telles prouesses ne se reproduisent plus. C’est ainsi que lors des élections de 1980, dans les circonscriptions de Kaolack, avant 11 heures, tous les mandataires de l’opposition furent virés des bureaux de vote.
Et enfin, la modification de l’article 35 de la Constitution vient acter le coup d’Etat constitutionnel et vous prive d’une accession rapide au pouvoir.
Les tentatives d’assassinat et les guets-apens de Loro, de Joal, de Maka-Koulibantan n’ont fait que vous aguerrir.
Mais armé de patience, d’endurance et persévérance, vous avez fini par accéder au pouvoir de la plus belle des manières en 2000.
C’est la raison pour laquelle, en paraphrasant l’égarement de la raison de Fourier, on peut nettement affirmer que vous pouvez vous vanter de ce que mille autres pouvaient faire avant vous, mais vous avez marché seul au but, sans appui et sans chemin frayé. Vous avez osé, comme Christophe Colomb, vous aventurer le premier dans un océan inconnu, dans le calcul des destinées qui avaient effrayé les élites de toutes les classes. Vous avez confondu 30 siècles de vision (….), nul ne peut revendiquer la moindre part de votre démocratie. C’est à vous et vous seul que les générations présentes et futures doivent l’hommage de leur bonheur et cet hommage ne pourra être partagé que par ceux qui mettent en exécution les orientations démocratiques dont vous êtes l’initiateur, l’apôtre et le garant.
Joyeux anniversaire frère Secrétaire général national
Dr Malick DIENG
Directeur Général de l’Institut Libéral de Formation Supérieure
Secrétaire National à la formation et à l’idéologie
Membre de la commission de discipline du Pds
Mardi 8 Juin 2021
La Rédaction / Samboudiang Sakho